Giro : le résumé des trois semaines

Un 102ème Giro d'Italia historique ! Du 11 mai au 2 juin 2019, entre Bologne en Émilie Romagne et Vérone, se déroulait la cent-deuxième édition du Tour d'Italie.
Roglic assomme la course d'entrée, le sprinters se régalent
La course marque la fin du printemps et le début de l'été et est pour les cyclistes le premier Grand Tour de l'année avant le Tour de France et la Vuelta. Cette année encore les coureurs ont dû affronter le froid, la pluie et même des conditions météorologiques dantesques par moment, ainsi qu'une troisième semaine très (très) difficile avec un vrai concentré de montagne. Pour conséquence, sur les 176 partants seulement 142 ont vu les arènes de Vérone où était jugée la grande arrivée du Giro, c'est bien moins que les années précédentes (149 en 2018, 161 en 2017, 156 en 2016, etc.)
Si le premier coureur a quitté l'épreuve fût le japonais Hiroki Nishimura (Nippo Vini Fantini), hors délai dès le contre-la-montre d'ouverture, à cause d'un saut de chaîne, beaucoup de coureurs qui étaient amenés à jouer un rôle majeur sur la course ont abandonné. On pense évidement à Tom Dumoulin, le vainqueur du Giro 2017 et à son coéquipier Sam Oomen (Team Sunweb), neuvième l'an dernier, tous deux blessés : le premier au genou, le deuxième à l'artère iliaque. Mais également à tous les sprinteurs ayant décidé de ne pas franchir les montagnes pour arriver plus frais sur la "Grande Boucle" tels que Caleb Ewan (Lotto Soudal) par ailleurs vainqueur de deux belles étapes, Fernando Gaviria (UAE Team Emirates) et Elia Viviani (Deceuninck Quick Step) qui ont eux raté l'occasion de marquer l'édition 2019 de leur empreinte.
Celle-ci a justement débuté par la victoire tonitruante sur le contre la montre de Bologne, de Primoz Roglic (Jumbo Visma) qui endossait le premier maillot rose. Le Slovène entrait dans l'histoire en devenant le premier coureur de ce pays a porter la célèbre et prisée tunique rose, la "maglia rosa".

Polanc et Conti, deux UAE en rose
Un exploit qui sera imité une dizaine de jour plus tard par son compatriote Jan Polanc (UAE Team Emirates) et également pour une grande première par un certain Richard Carapaz (Movistar). Roglic s'est paré de rose le temps de cinq jours, de cinq étapes respectivement remportées par Pascal Ackermann (BORA hansgrohe) le futur maillot cyclamen à Fucecchio, Fernando Gaviria (UAE Team Emirates) après le délassement d'Elia Viviani (Deceuninck Quick Step) pour avoir gêné le sprint de Matteo Moschetti (Trek Segafredo) à Orbetello, Richard Carapaz (Movistar) le futur vainqueur final dans un final en légère pente en petit comité à Frascati et enfin à nouveau par le champion d'Allemagne Ackermann sous des trombes d'eau à Terracina.
Celui qui allait lui ravir le maillot rose ne s'appelait pas encore Carapaz et ne représentait en aucun cas pour lui une menace pour le sacré à Vérone, il s'agissait de l'italien Valerio Conti (UAE Team Emirates). Conti, profitait de la première étape réellement accidenté, de moyenne montagne et propice aux échappés pour y parvenir, et ce jour là c'est son compatriote Fausto Masnada (Androni Sidermec) qui réalisait son rêve de gagner une étape sur le Giro. À San Giovanni Rotondo, les deux hommes avaient signé un "pacte": l'étape pour Masnada, le maillot rose pour Conti.
Ce dernier allait porter la "maglia rosa" durant cinq jours comme Roglic avant lui. Sous son "règne rose", les étapes revenaient à Pello Bilbao (Astana) qui frustrait Tony Gallopin (AG2R La Mondiale) à L'Aquila, à Caleb Ewan (Lotto Soudal) qui profitait d'un sprint court taillé pour lui et à son poids plume de sprinteur atypique pour devancer Ackermann à Pesaro, à Primoz Roglic (Jumbo Visma) à nouveau lors d'un contre-la-montre à Saint Marin pour clôre la première semaine avant la journée de repos, à Arnaud Demare (Groupama FDJ) lequel débloquait son compteur sur le Giro après un sprint parfait à Modène, à Caleb Ewan (Lotto Soudal), encore lui, à Novi Ligure la ville où repose Fausto Coppi, à travers un violent vent de face, et pour finir à Cesare Benedetti (BORA hansgrohe) à Pinerolo.

Richard Carapaz piège Roglic et Nibali
Le jour de la victoire d'étape du Tyrolien Benedetti, coureur très apprécié au sein du peloton et habituel équipier de luxe, Jan Polanc (UAE Team Emirates) héritait du maillot rose de Conti son coéquipier, après une tactique d'équipe parfaite. Venaient alors trois étapes très dures : deux de haute montagne et une très accidentée, un mini Tour de Lombardie. Lors de la première, la quatorzième étape, le Russe Ilnur Zakarin (Katusha Alpecin), parti dans l'échappée du jour, s'imposait dans un décor enneigé absolument sublime au sommet du Lac Serru (Ceresole Reale) à plus de 2000 mètres d'altitude où le Giro n'avait encore jamais fait escale et ce jour là on assistait à la première guerre des nerfs, au premier combat de coq entre Primoz Roglic (Jumbo Visma) et Vincenzo Nibali (Bahrain Merida) qui étaient alors les deux favoris les mieux placés au classement général, laissant de nombreux coureurs à commencer par Zakarin (Katusha Alpecin), Bauke Mollema (Trek Segafredo), Rafal Majka (Bora Hansgrohe) et le duo Movistar composé de Richard Carapaz et de Mikel Landa se replacés.
L'action des deux hommes étaient une grossière erreur et ils la payaient dès le lendemain à Courmayeur avec le coup double d'un impérial et aérien Richard Carapaz (Movistar), passé à l'attaque dans le Col de San Carlo : victoire d'étape et maillot rose. "Richie", la "Locomotive du Carchi", premier Equatorien porteur du maillot rose devenait alors un peu plus encore une star, une icône dans son pays et un véritable candidat pour gagner le Giro, un vainqueur crédible. Pour clôturer la deuxième semaine, la quinzième étape digne d'un Giro di Lombardia revenait à Dario Cataldo (Astana) devant Mattia Cattaneo (Androni Sidermec), à Come, tandis que Primoz Roglic (Jumbo Visma) sous la pression de Nibali (Bahrain Merida) et Carapaz (Movistar) dans la montée du Civiglio craquait et chutait dans la descente, perdant quarante secondes.

Carapaz tient, Roglic cède
La
troisième et dernière semaine, de loin la plus difficile, celle de
tous les dangers n'allaient finalement changer que peu de chose en ce
qui concerne le maillot rose en confirmant juste la forme étincelante
de Richard Carapaz (Movistar) et la forme déclinante de Primoz Roglic
(Jumbo Visma). Elle commençait d'emblée par l'étape du Mortirolo, qui
aurait également du être celle du Gavia, qui restera mémorable pour
plusieurs raisons. D'une part, par l'attaque lointaine très osée et
spectaculaire de Vincenzo Nibali (Bahrain Merida), la cohésion de
l'équipe Movistar tout entière et de Mikel Landa (Movistar) autour du
maillot rose Carapaz, dans une brûme pluvieuse et glaciale, et par le
succès de l'indiscutable maillot azzurro Giulio Ciccone (Trek
Segafredo), frigorifié, face à Jan Hirt (Astana) à Ponte di Legno.
Ensuite, lors de l'étape arrivant à la station de biathlon d'Anthloz/Anterselva, on assistait à une deuxième victoire d'étape pour un Français. Après Démare (Groupama-FDJ), Nans Peters (AG2R La Mondiale). Le Grenoblois s'imposait en solitaire après une attaque au panache. Le lendemain, à Santa Maria di Sala, la course se révélait nettement mois favorable aux français puisque Arnaud Démare (Groupama-FDJ) devait rendre définitivement son maillot cyclamen à Pascal Ackermann (BBORA hansgrohe) alors que l'étape était remportée à la surprise générale par Damiano Cima (Nippo Vini Fantini), le grand baroudeur de ce Giro, après une longue échappée dans la plaine située au pied des Dolomites. Les Dolomites, grande chaîne de montagne italienne dont le point culminant est Marmolada à plus de 3000 mètres d'altitude, ont été le théâtre des deux dernières étapes de montagne, de la 19ème et de la 20ème étape. Lors de la première de ces deux étapes à San Martino di Castrozza c'est le grimpeur colombien Esteban Chaves (Mitchelton Scott), "El Chavito" qui s'imposait pour sauver le Giro de son équipe où Simon Yates n'a pas connu le rendement espéré, et pour acter sa renaissance personnelle après de multiples problèmes de santé, plus d'un an après son dernier triomphe.

"Richie" et l'Equateur dans l'histoire
À Pedavena, au sommet de l'ascension de Monte Avena et du Croce d'Auna, et surtout après les lointaines et difficiles ascensions typiques des Dolomites telles que le Passo Manghen, la Cima Coppi du Giro 2019 et le Passo Rolle, Richard Carapaz (Movistar), le maillot rose en personne sachant sa victoire finale quasiment assurée malgré les offensives de Nibali (Bahrain Merida) et montrant son côté loyal, se mettait au service de son coéquipier Mikel Landa (Movistar) pour tenter de lui faire remporter l'étape et de lui offrir l'étape mais aucune des deux issues ne s'avèraient concluantes pour le basque. Pour la victoire d'étape, Landa était dominé par un autre basque Pello Bilbao (Astana) qui signait sa deuxième victoire et pour le classement général si Primoz Roglic (Jumbo Visma) descendait du podium à la suite de l'étape, le Slovène récupérait sa troisième place le lendemain, le dimanche 2 juin, à Verone, lors du contre la montre final.
Un contre la montre remporté par Chad Haga (Team Sunweb) devant le recordman de l'heure Victor Campenaerts (Lotto Soudal), et grandiose comme grande arrivée du Giro, avec pour finir au bout des dix sept kilomètres à parcourir pour les coureurs, une entrée magistrale dans les arènes de Verone pour ces derniers tels des gladiateurs romains. Carapaz, soutenu par des milliers de supporters équatoriens, ne tremblait pas face à la pression en terminant trente sixième du "chrono". Une performance largement suffisante pour lui permettre de s'imposer plus d'une minute devant son dauphin Vincenzo Nibali (Bahrain Merida), plus de deux face au troisième Primoz Roglic (Jumbo Visma), et surtout pour lui permettre de rentrer dans l'histoire, d'écrire une nouvelle page de la grande histoire du cyclisme, en devenant le premier équatorien a remporter un grand tour.
Ce Giro était indéniablement le sien.
Lui, son pays et l'Amérique du Sud en général s'en souviendront à jamais.
AYMERIC PEZE