EDUARD MICHAEL GROSU : UNE NOUVELLE VIE SUR LES ROUTES DE CHINE
Eduard Michael Grosu s'est lancé dans une aventure qui le mène au cœur du cyclisme chinois. Arrivé l'an dernier dans son premier club en Chine, le Roumain, passé par DELKO et Androni, a récemment rejoint Huansheng Vonoa Taishan Sport, l'équipe qui aspire à devenir la meilleure du pays.

''En Chine, c'est un autre cyclisme'', confie Eduard Michael Grosu. Loin des pelotons européens, il décrit un milieu où la culture du vélo commence à prendre ses marques, soutenue par des investissements gouvernementaux massifs. La Chine a fait des pas de géant, organisant même des courses de niveau mondial comme le Tour de Guangxi (2.UWT) et le Tour de Hainan (2.Pro), auquel il vient de participer.
''La sécurité des coureurs est plus considérée que dans de nombreuses grandes courses en Europe'', ajoute-t-il, soulignant un aspect souvent négligé dans le cyclisme professionnel. ''Les routes sont plus larges, modernes et globalement en meilleur état. La fermeture à la circulation est plus stricte''. Pour le Roumain de 23 ans, les différences sont frappantes, cela vaut également pour la ''culture cycliste''.
Avec 80 % de coureurs chinois dans le peloton, il observe que la stratégie d'équipe est souvent absente, chaque coureur cherchant avant tout à briller individuellement. ''Les Chinois préfèrent finir 50e mais être les premiers de leur pays'', explique-t-il, révélant une mentalité qui peut freiner le développement du cyclisme collectif mais qui tend à évoluer avec l'arrivée massive de coureurs passés par le circuit World Tour (Simon Pellaud, Yevgeniy Gidich, Alexander Salby, Martin Laas, Norman Vahtra, Vadim Pronskiy…).
Un choix de carrière audacieux
Pourquoi avoir choisi cette voie après une expérience difficile en 2023 en Pologne ? Eduard Michael Grosu, lassé par les limites budgétaires des équipes continentales européennes, a vu en Chine une opportunité. ''Le contrat était bien meilleur, les primes significatives'', rapporte-il avec une grande franchise, et ce choix s'est révélé judicieux. Avec sa nouvelle formation récemment promu dans la catégorie Continental, Huansheng Vonoa Taishan Sport, il va pouvoir participer à des compétitions UCI de haut niveau. A peine arrivé en Chine après un stage réalisé individuellement en Espagne, il se fixe des objectifs ambitieux : remporter des étapes au Tour du lac Qinghai et au Tour de Langkawi.

En évoquant ses ambitions, Eduard Michael Grosu ne cache pas son désir de prouver sa valeur sur la scène internationale : ''Je veux terminer parmi les meilleurs lors de chaque compétition UCI à laquelle je participerai.'' En Europe, sa nouvelle équipe était invitée pour participer au Tour de Grèce et de Turquie, cependant des blessures et des problèmes de visas parmi les coureurs l'ont contraint à y renoncer. ''Eddy'' sait qu'une participation au Tour du Sibiu dans sa Roumanie natale, pour ce qui pourrait être sa seule compétition européenne de 2025, passera par des victoires en Chine.
Une expérience enrichissante et complexe
La vie en Chine n'est pas dépourvue de défis. Bien que fasciné par le développement rapide du pays, avec ses infrastructures modernes et ses technologies avancées, ''certaines régions ont 20 ans d'avance sur l'Europe'', le Roumain doit naviguer dans un environnement culturel et linguistique différent. ''La langue a été un obstacle majeur'', admet-il, même s'il a eu la chance d'avoir un coéquipier roumain l'an passé et de travailler cette année avec des membres de son équipe parlant anglais. La compréhension des stratégies d'équipe a également nécessité un ajustement, l'approche du cyclisme en Chine différant de celle à laquelle il était habitué.
Eduard Michael Grosu rapporte que pour ses débuts en 2024 sur le sol chinois, à sa plus grande surprise la plupart des équipes n'avaient pas d'assistants ni de mécaniciens. Aucun vélo n'était même positionné sur la voiture de son directeur sportif. ''Tu feras mieux lors de la prochaine course''', lui a-t-on déclaré après un accident mécanique. Le Roumain avait fini par obtenir gain de cause et faire comprendre à sa direction la nécessité des vélos de rechange et de pouvoir compter sur un staff solide.

Malgré ces difficultés, l'ancien de DELKO a découvert une passion pour la ''petite reine'' parmi le public chinois. ''Sur les bords de route, c'est incroyable. La population vient encourager les coureurs, c'est un vrai spectacle populaire'', s'enthousiasme-t-il, osant la comparaison avec le Tour de France. Eduard Michael Grosu fait le pont avec les critériums organisés par ASO (Amaury Sport Organisation) sur le continent asiatique à Shanghai en Chine et Saitama-Shi au Japon. ''Les courses chinoises provoquent le même engouement que ces évènements''.
Un avenir prometteur
Le sprinter est optimiste. Le cyclisme chinois est prêt à exploser, à condition que des sponsors continuent d'investir. ''Pour voir plus de coureurs chinois en World Tour, il faudrait que d'autres marques s'engagent dans le sponsoring d'équipes comme XDS le fait avec Astana'', souligne-t-il. Selon Eduard Michael Grosu, les marques chinoises ont passé un cap. Présent au salon mondial du vélo à Shanghai, il a été impressionné par la qualité des cycles de marques chinoises (Pardus, XDS…). Le changement est radical par rapport à 2014, l'année de sa première visite en Chine lors qu'il a gagné des étapes du Tour du lac Qinghai. Néanmoins, concernant le développement des talents locaux, Eduard Michael Grosu est lucide. Haotsu Yu, le coureur chinois de XDS-Astana, a rejoint la formation désormais kazakho-chinoise pour des ''questions d'image de marque et non sportives''.
Le Roumain insiste sur la nécessité d'améliorer l'encadrement des jeunes pousses alors que le système de formation est universitaire à l'instar de ce qui se fait aux États-Unis. Il plaide pour l'arrivée de coachs européens, un aspect fondamental pour la pérennité du cyclisme en Chine.
PROPOS RECUEILLIS PAR AYMERIC PEZE